ANALYSES ET réflexions

Quel rôle le digital peut-il avoir dans la transition écologique ?

Depuis des années, nous entendons que notre monde va mal, les activités des Hommes sont de plus en plus énergivores pour le peu de ressources restantes sur notre planète. Le dernier rapport du GIEC de ce début d’année 2022, que vous pouvez retrouver dans l’article que j’ai réalisé pour La Consigne Verte en cliquant juste ici, démontre l’urgence climatique dont nous devons faire face depuis quelques années. Le digital, aux yeux du grand public, tend à nous donner un peu d’air dans une transition écologique progressive, mais est-ce vraiment le cas ?

Communication : du PRINT au DIGITAL

  • historique de la communication traditionnelle

La communication est présente partout, et est ancrée dans nos codes sociaux depuis que l’Homme existe, avec pour objectif de formuler et de faire passer des messages par simples gestes, signes, alphabets, documents écrits, codes, etc. C’est le principe même de vivre en communauté.

Nous sommes en constante recherche d’évolution de nos modes de communication. Par la création de nouvelles technologies, la transmission des savoirs et diverses autres techniques.

La publicité sous sa forme la plus rudimentaire fait son apparition dès l’Antiquité, les évolutions technologiques et sociales qui vont émerger au cours de l’histoire vont apporter de nouvelles méthodes de communication.

En 1890, apparaissent les premiers journaux.  Les années 80 verront alors la naissance de ce que nous connaissons aujourd’hui : « les chargés de communication» ou « responsables de communication» ; puis naîtront par la suite les premières agences de conseil et d’audit.

Les moyens de communication en entreprise ont connu une évolution croissante depuis leurs apparitions.

Les outils traditionnels que nous connaissons commencent à être utilisés :

  • La télévision : un média impactant
  • L’affichage : un média constamment présent
  • La radio : le média instantané
  • La presse : le média le plus varié
  • Le flyer : un outil de base
  • L’événementiel : un moment de partage
affiche, coca cola
affiche, moulin rouge
affiche, ricard
  • L’émergence de la communication digitale

C’est durant les années 1990, qu’on commence à parler du web 1.0. On utilise Internet pour de la transmission d’informations aussi simple que possible. 

L’émergence du web 2.0 va venir bouleverser le monde de la communication. Il est plus rapide, plus interactif et permet de véritables prouesses technologiques. Il faut attendre 2007, le temps que les sites se mettent à jour et que les connexions à Internet soient rapides et facilitées pour que les entreprises commencent à utiliser pleinement ce nouvel outil dans leurs stratégies de communication. 

Petite définition : la communication digitale, regroupe toutes les actions de communication d’une entreprise réalisées par le biais de canaux digitaux, tels que les réseaux sociaux, le mobile, la télévision interactive, les sites internet, l’e-mailing, etc. 

On peut donc parler de communication multimédia. Le début des années 2000 va accueillir de nouveaux outils de marketing digital qui regroupe tous les outils interactifs digitaux pour promouvoir les produits et services.  

L’arrivée du digital apporte une toute nouvelle manière de communiquer. On observe l’apparition du storytelling qui adapte la publicité à Internet, ce qui a alors développé l’expérience client. C’est l’apparition de « l’instantanéité ». Il est aujourd’hui possible d’utiliser les supports papier, comme les supports radio ou télé, ainsi que les supports digitaux tels que la vidéo, les audios, les réseaux sociaux, etc.

Le web et plus particulièrement la communication digitale sont aujourd’hui omniprésents dans notre société. 4,79 milliards de personnes se sont connectées à Internet en 2020. 54 % de la population mondiale utilise les réseaux sociaux. Google reçoit près de 100 000 requêtes par seconde selon Internet Live Stats. En 2021, les recettes publicitaires des médias digitaux enregistrent une croissance annuelle de 41,9 %. En 2022, les dépenses mondiales en publicité digitale devraient atteindre 524,31 milliards de dollars.

statistiques internet
  • Une prise de conscience

On constate progressivement une prise de conscience collective sur l’usage du numérique et ses effets sur l’environnement. Il est important de sensibiliser le grand public à ces enjeux, en effet un sondage montre qu’en France, moins de 3 Français sur 10 se disent informés de l’impact des activités numériques sur l’environnement. Même si ces chiffres sont en progrès. C’est aux entreprises de prendre leurs responsabilités, de montrer et de faire comprendre que le changement est possible.

Nous le verrons un peu plus tard dans cet article, mais la pollution par le numérique est liée à de nombreux facteurs comme :

  • La fabrication des appareils
  • L’utilisation du digital au quotidien
  • La destruction des équipements…

Digital for the planet une organisation internationale dont le but est de promouvoir l’écologie numérique, confirme que beaucoup d’entreprises demandent conseil afin de mettre en place une transformation digitale cohérente avec les enjeux environnementaux actuels.  Il y a donc une volonté réelle d’être plus durable et responsable.

Le digital, une pollution numérique

  • La fabrication des appareils, une phase très polluante

La fabrication des appareils numériques et leur utilisation entraînent des pollutions. Il est bon de savoir qu’avant même de recevoir notre appareil dans les mains, ses composants ont en moyenne déjà parcouru 150 000 km… Une aberration écologique sans précédent.

Nos outils électroniques et numériques sont composés de beaucoup de ressources et demandent donc énormément d’énergie pour les produire. Cette énergie va engendrer des rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. En sachant que le CO₂ représente 77% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, la fabrication des appareils participent ainsi au réchauffement planétaire.

Pour fabriquer les composants de nos smartphones, ordinateurs, etc., des matériaux naturellement présents sur Terre sont nécessaires. Ces ressources ne sont pas toutes renouvelables. Des statistiques intéressantes montrent que la fabrication d’un ordinateur de 2 kg représente 588 kg de matières premières mobilisées !

Outre l’aspect naturel des matériaux utilisés, il faut penser également qu’il y a des matières fabriquées par l’homme qui sont très polluantes à produire et à trier comme le plastique, les matières synthétiques, le verre et la céramique.

Un autre point important à retenir sur la phase de fabrication de nos appareils serait la destruction et la surexploitation de l’écosystème par les mines qui engendrent déforestation, désertification, pollution des eaux, de l’air et des sols.

Il faut aussi mettre l’accent sur le transport à travers le monde de ces composants. Voici une image bien plus parlante que des mots pour illustrer le chemin qu’ils vont parcourir :

trajet composants, digital, écologie
  • Les data centers, un monstre énergétique !

Les data centers consomment en moyenne en France 5,15 MWh/m2/an. Pour parler purement chiffres, un centre de données de 10 000 m² consomme autant qu’une ville de 50 000 habitants.

Une étude de GreenIT.fr de 2020, démontre que les centres informatiques sont responsables de 4 à 15 % des impacts du numérique français.

Nous l’avons vu plus haut, pour fabriquer nos appareils, il faut beaucoup de matières premières, vous vous en doutez, un serveur informatique demande également une grande quantité de composants tout aussi polluants à fabriquer.

Ce n’est malheureusement pas là la principale source de pollution. Ces data centers ont un besoin de stockage journalier pharamineux et vont demander pour fonctionner correctement :

  • des serveurs alimentés 24h/24 7j/7
  • des solutions de refroidissement.

Ce sont ces deux processus qui consomment beaucoup en énergie et en eau, notamment.

En termes d’électricité, certains data centers se fournissent uniquement en énergie renouvelable pour limiter leur impact. Cependant, encore trop de centres s’alimentent, en énergies fossiles.

D’après une étude effectuée en Californie, 800 data centers ont nécessité, annuellement, pour fonctionner, la même quantité d’eau que l’équivalent de 158 000 piscines olympiques. Un bel exemple de l’enjeu écologique soulevé, lorsque l’on connait la disparité dans le monde à l’accès à l’eau potable, surtout que cette eau utilisée est traitée et est directement reversée dans les égouts par la suite.

  • Le streaming, une activité pas si anodine

Quand on parle pollution dans le numérique, il est vrai que le streaming n’est pas la première réponse qu’on peut avoir en tête. Pourtant, consommer de la vidéo en ligne demande beaucoup d’énergie. La cause ? Le poids que représente une vidéo est plus conséquent qu’une simple image, il faut donc au serveur davantage d’énergie pour la stocker. Plus de la moitié des flux de données sur Internet sont du streaming vidéo ! Un exemple très parlant que j’ai trouvé durant mes recherches est le cas du film Pulp Fiction sur Netflix. Ce film pèse 200 000 fois plus qu’un mail sans pièce jointe. Pour être plus précis, 10h de film en haute définition contiennent plus de données que l’intégralité des articles en anglais de Wikipédia. D’ailleurs, si vous voulez découvrir l’impact environnemental des gros groupes internationaux, cliquez juste ici.

À l’échelle mondiale, le streaming vidéo émet en moyenne 300 millions de tonnes de COâ‚‚ chaque année. Cela correspond à la pollution numérique d’un pays comme l’Espagne. Passer 1h de son temps à regarder une vidéo, c’est un besoin équivalent en électricité d’un réfrigérateur pendant une année entière ! Les 2.7 milliards de vues de la vidéo Gangnam Style représentaient la consommation annuelle d’une petite centrale nucléaire. Une solution très simple à mettre en place sur Youtube par exemple, serait d’arrêter la lecture automatique. Ce geste, en un clic, pourrait faire économiser à un utilisateur lambda 323 000 tonnes de COâ‚‚ rejeté par an.

streaming pollution
  • Des déchets par millions !

Un rapport de l’ONU montre que 75 % des déchets électroniques échappent aux filières de recyclage. Ils sont exportés illégalement en Chine, en Inde ou en Afrique, et terminent leur vie dans des immenses décharges à ciel ouvert. Nos vieux ordinateurs sont rachetés en ligne, récupérés auprès d’entreprises, volés dans des déchetteries… ces appareils usagés partent ensuite dans des conteneurs via les grands ports européens.

Des grossistes les revendent ensuite, entre 20 et 30 euros, à des réparateurs locaux.

Et pour les déchets qui parviennent jusqu’aux filières de recyclage, leur design empêche de récupérer les matières premières.

En 2019, le monde a produit 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques.

Le problème, comme évoqué plus haut, c’est bien le recyclage. Seulement 17,4% des déchets électroniques sont correctement collectés et recyclés.

Les ordinateurs possèdent des composants rares, qui sont difficilement recyclables. Pourtant, une autre statistique folle (vous l’aurez compris dans cet article, j’aime beaucoup les statistiques) montre qu’il y aurait davantage d’or dans une tonne de cartes électroniques que dans une mine.

décharge, écologie

Un web plus propre en entreprise, c’est possible !

À l’échelle de la France, l’État a mis en place une loi pour baisser les émissions de gaz à effet de serre de 40% avec une échéance en 2023, c’est la loi « Énergie-Climat ». Ainsi, cette loi vise à lutter efficacement contre le réchauffement climatique et autres catastrophes naturelles. C’est dans ce contexte que la question d’un numérique plus responsable se pose. Il est plus que nécessaire de se positionner dès maintenant sur la transformation digitale des entreprises et autres organisations. Le numérique a une place omniprésente dans notre société, et une énorme influence sur de nombreux secteurs. Pour réussir dans un premier temps à devenir un acteur responsable, il faut passer par une phase de prise de conscience de ses propres actions. Les organisations pourront alors entamer une réduction de leurs impacts sur l’environnement. Le numérique doit et peut contribuer aux prises d’engagement des pays comme la France en faveur du climat.

  • Mesurer et évaluer avant d’agir

Avant de pouvoir mettre des actions concrètes dans notre stratégie de transformation numérique durable, il est important de comprendre et d’estimer les progrès à faire ou réaliser. Pour évaluer efficacement notre impact numérique, il faut prendre en compte des indicateurs comme les émissions de gaz à effet de serre, la pollution, la quantité de déchets, la quantité d’eau douce, la quantité de ressources minérales que notre entreprise génère.

Pour synthétiser mes propos, l’entreprise doit être capable de mesurer :

  • Ses impacts directs du numérique,
  • Ses impacts indirects comme les impacts liés à la sous-traitance, l’achat ou l’utilisation de services ou d’équipements, les impacts générés chez ses « clients », etc.

Il est important dans son entreprise d’évaluer l’impact environnemental de son système d’information et pour cela il existe plusieurs outils :

EcoInfo propose l’outil EcoDiag pour évaluer les impacts liés à la fabrication et au transport d’équipements informatiques.

L’INR propose un outil d’évaluation de l’empreinte d’un SI : le WeNR.

La Base Impacts de l’ADEME

👉 Sélection non exhaustive de logiciels libres et open source dédiés aux impacts environnementaux du numérique.

CARBONALYSER

Mesure les impacts environnementaux d’une navigation web.

CLOUD CARBON

Fournit une visibilité des émissions de carbones induites par l’utilisation du cloud.

CODE CARBON

Mesure de l’impact des algorithmes d’intelligence artificielle

EcoDiag

Bilan carbone des équipements informatiques d’une organisation

GreenIT-Analysis

Outil de mesure des impacts environnementaux d’une page web

PowerAPI

Mesurer la consommation énergétique des logiciels

  • Réduire ses achats 

Nous l’avons vu dans cet article, l’empreinte environnementale des équipements électroniques est majoritaire, spécialement dans sa phase de fabrication, l’action la plus efficace qui se veut également être la plus logique est donc la réduction de la production d’équipements électroniques neufs. L’enjeu crucial est la diminution du nombre d’achats et la prolongation des équipements utilisés.

Il faut donc commencer par ces bonnes pratiques :

  • Acquérir des équipements vraiment essentiels
  • Mutualiser les équipements professionnels et personnels en entreprise
  • Mettre à jour les équipements au lieu de les remplacer
  • Réaffecter les équipements en interne
  • Séparer les achats d’équipements
  • Opter pour la location fonctionnelle d’équipements
  • Protéger les équipements (coques, sacoches…)

👉 Si l’achat est nécessaire, il faut s’assurer d’effectuer un achat dit « durable »

Voici les bonnes pratiques à adopter :

  • Les data centers dans tout ça ?

J’ai évoqué plus tôt l’impact des data centers sur l’environnement, il est bien de comprendre qu’ils se développent pour répondre à des besoins et des usages qui se multiplient de jour en jour. Il est tout aussi bien de commencer à réduire ces besoins et usages, en questionnant leur pertinence. Pour cela, il faut chercher à réduire l’impact de l’utilisation des centres de données dans notre propre entreprise.

  • Intégrer des clauses environnementales lors du choix d’un prestataire d’hébergement,
  • Penser à la localisation géographique et au taux de disponibilité (cette caractéristique détermine le niveau de redondance des équipements, de l’infrastructure mise en place, la superficie et la densité électrique…).
  • Utiliser un hébergement signataire du Code de Conduite européen des centres de données, ce code est mis en place pour définir les meilleures pratiques afin de limiter l’empreinte carbone des data centers.

👉 BONUS

Les professionnels réfléchissent à des alternatives de solutions économes en énergie dans les refroidissements des data centers. La technique du free cooling fait son apparition. Elle sert à réutiliser l’air extérieur afin de réduire la température au sein des bâtiments lorsque les conditions extérieures sont propices.

La méthode de couloir froid est également mise en place depuis quelques années. Les serveurs aspirent l’air froid sur leur face avant et le rejettent par l’arrière. Le positionnement des serveurs d’une certaine manière permet alors un refroidissement sans mélange de l’air chaud et froid.

L’eau fraîche peut aussi être utilisée, en immergeant les serveurs directement à une grande profondeur dans des lacs ou océans.

  • La question de la fin d’usage des appareils

Il va de sens que de réussir à prolonger la durée de vie des équipements permet de ne pas en fabriquer de nouveaux, ou de réduire ce besoin.

Pour une entreprise qui se questionne dans l’utilisation de ses équipements,

  • Il faut tout faire pour conserver ses équipements dans des conditions correctes pour pouvoir être réutilisés.
  • Restaurer son appareil, afin de continuer à l’utiliser dans la même organisation ou dans une autre.
  • Utiliser le réemploi sous forme de réaffectations internes, de dons aux collaborateurs, à des associations, etc.
  • Valoriser au maximum l’appareil ne pouvant plus être réemployé et devenu « déchet » avec les plus hauts niveaux d’exigences imposés par la directive européenne DEEE.
  • Confier les déchets ne pouvant pas être traités par des techniques conventionnelles, à un éco-organisme ou un gestionnaire de déchets spécialisés. Il existe pour cela des solutions : Ecologic et ecosystem.

Pour synthétiser, vous êtes une entreprise voulant être irréprochable dans son traitement des équipements électroniques en fin de vie, ils vous faut donc : Réemployer en remettant en état / Réemployer en donnant les équipements fonctionnels / Réemployer en vendant les équipements fonctionnels / Faire appel à un éco-organisme pour la gestion des déchets électroniques / Vérifier le professionnalisme des entreprises de collecte / Trier et collecter séparément les consommables.

Le mot de la fin !

Dans cet article, nous avons pu nous rendre compte de plusieurs choses. Le digital englobe de très nombreux concepts et c’est un secteur très riche qui soulève de plus en plus de questions, auprès des gouvernements, des pays, des entreprises, du grand public, en somme du monde entier.

Notre planète est victime de l’industrialisation des Hommes et constate les effets néfastes qu’entraine la numérisation. Oui, nous pouvons maintenant le dire sans trop se tromper, le digital est une source de pollution conséquente à ne pas et ne plus négliger. Il s’ajoute à la longue liste des actions nocives de la société sur son environnement.

Cependant, il n’est pas trop tard pour changer les choses et le digital a clairement un rôle à jouer dans la transition écologique des entreprises et autres utilisateurs directs et indirects. Dans un avenir pas si lointain, le digital peut-être la clé d’un changement positif sur notre impact environnemental.

Nous avons pu voir que par de simples gestes, de simples actions et décisions prises, les effets dévastateurs du digital pouvaient être radicalement réduits.

Il ne faut pas avoir peur du changement et de l’évolution de notre société avec la technologie, mais accompagner cette évolution dans une démarche plus saine et respectueuse de ce que nous offre notre belle nature.

« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ! »

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